Défouloir

Pistolet à la main, Lily mitraillait des ninja braillards qui lui sautaient dessus pour la découper en rondelle, enfin, pas sur elle, mais sur son double virtuelle, une espèce de samuraï bariolé tout droit sortit du dernier film de kendô grand publique. Un samuraï avec un pétard, tout ce qu'il y a de plus normal...

Les yeux de Lily, encore rougis par des larmes qu'elle avait versées quelques minutes auparavant, lançaient des éclairs alors qu'elle passait ses nerfs sur ces tas de pixels avec une rage apparante.

C'était encore arrivé. On lui avait encore cherché des crosses au lycée. De la part de secondes à qui elle n'avait jamais adressé la parole, en plus. Encore des réflexions toutes plus blessantes les unes que les autres, et lorsqu'elle avait voulu répliqué, les petits copains des pétasses qui l'emmerdaient avait rapliqué et lui avaient collé deux ou trois claques bien musclées.

Après cela, Lily s'était enfuie de l'établissement pour se réfugier seule dans le centre ville. Elle était passée devant l'arcade dont une publicité vantait les mérites d'un tout nouveau jeu de tir. Comme Lily avait une grosse envie de meurtre, elle avait sauté sur l'occasion.

Elle était comme une furie, affichant un air plus agressif que jamais, faisant des grimaces de haine et poussa parfois de cris de rage. Une vraie tigresse. La plupart des gens préféraient passer leur chemin en la voyant se défouler ainsi, certains s'arrêtaient et la considéraient avec amusement, mais Lily se tournait alors vers eux avec un regard si noir qu'ils mettaient rapidement les voiles eux-aussi.

Bon, quoi faire après-midi? S'était demandée Elizabeth au réfectoire sur l'heure du dîner. Quoi faire? Elle ne voulait pas rester un après-midi de plus dans l'établissement. Elle devait sortir, aller en ville, s'amuser quoi. Changer d'air, de visages. C'était décidé. Elle irait en ville pour se changer les idées et penser à autre chose que la vie scolaire qui l'ennuyait malgré le fait qu'elle ait de bonnes notes. Elle avait donc quitté le réfectoire avec impatience, se dirigeant vers sa chambre pour prendre son sac à main et se changer. Ensuite, elle quitta le pensionnat, attirant toujours des regards curieux sur elle.

Elle marcha pour aller au centre ville. Elle avait une voiture, certes, un cadeau pour ses 18 ans de l'an dernier que ses parents lui avaient offert, mais elle préférait de loin marcher pour prendre l'air. Elle avait le centre de relaxation de la ville où pouvait recevoir massage, bains, etc. Mais elle n'en avait pas trop envie. Quoiqu'elle adorait être traitée aux petits oignons, aujourd'hui non. Une autre fois, se dit-elle.

Plus elle avançait dans la ville, elle croisait des gens et rencontrait des boutiques et des restos sympas. Parfois des bistros, parfois de la restauration rapide, nourriture qu'elle détestait amèrement d'ailleurs. Puis, elle aperçut la salle d'arcade. Endroit par excellence que les amateurs de jeux vidéos allaient régulièrement, tant pour s'amuser que pour se faire valoir et admirer par le pointage très haut obtenu au cours de leur partie. C'est alors qu'elle aperçut la jeune femme qu'elle avait rencontré sur les rochers sur le bord de l'eau, près du pensionnat. Elle s'arrêta et la regarda. Elle semblait se défouler sur cette machine.

Elizabeth regarda autour d'elle et se décida enfin à rentrer. Peut-être qu'elle irait se défouler également. Elle regarda les jeux vidéos qu'il y avait. Une centaine, sinon des milliers de jeux plus attrayants les uns que les autres. Elle s'approcha de la jeune femme, dont elle ne connaissait toujours pas le nom, et lui lança:

"Salut!"

Dit-elle sans expression. Puis, elle alla au fond de la salle, là où il y avait des jeux de Dance Dance Revolution. Il devait y en avoir au moins cinq thèmes différents. Elle en choisit un au hasard, mis des jetons, qu'elle avait prise à l'entrée et en inséra le nombre demandé, soit quatre. Elle choisit son personnage, son niveau, «heavy», et sa musique. Puis, le jeu commença. Elle y avait joué plusieurs fois et elle était plutôt douée. Pour être à «heavy» surtout, il fallait être rapide des pieds et concentré sur les flèches qui défilaient à l'écran.

Ne se souciant pas des dizaines de jeunes gens qui s'étaient rassemblés derrière elle, la trouvant douée, elle ne fit que s'amuser et se défouler par le fait même.

Du coin de l'oeil, Lily vit arriver une élève de son lycée, Miss Terreur en personne. Génial, super, grandiose, pensa-t-elle. C'était exactement ce dont elle avait besoin. Elle craignait en effet qu'elle ne vienne en rajouter une couche, car elle était bien connue pour tourmenter les autres élèves, et cela n'étonnerait pas Lily qu'elle devienne un de ses souffre-douleur préférés. Elle s'approchait de plus en plus et Lily essayait de faire comme si de rien n'était, comme si elle ne l'avait pas remarqué, bien qu'en elle-même elle souhaitait que le gun qu'elle avait en main fût vrai... Pourtant, Elizabeth se contenta de passer à côté d'elle et elle la salua même, ce qui étonna énormément Lily.

Mais encore une fois elle fit mine de rien, et ne s'embêta même pas à répondre, elle n'avait pas envie d'établir un quelconque contact avec qui que ce soit, elle était là pour se défouler, pas pour papoter comme au salon de coiffure. Elle se remit à mitrailler ses ninja, mais c'est alors que retentit non loin derrière elle une musique braillarde et tonitruante qui lui agressa violemment les oreilles. Bien sûr, dans une arcade, c'était inévitable. C'était un lieu extrêmement bruyant, mais il se trouvait qu'aujourd'hui, il n'y avait pas trop de monde, et la place restait relativement supportable...

Jusqu'à l'arrivée d'Elizabeth qui avait débuté un jeu particulièrement bruyant. Plus que jamais, Lily souhaita avoir un vrai flingue, mais elle ne pouvait rien faire. Elle était déjà si énervée que la situation ne fit alors qu'empirer. Elle rejeta violemment le pistolet sur la console, ne prenant pas garde au matériel et ne se donnant même pas la peine de terminer la partie, et se dirigea d'un pas lourd et précipité vers la sortie. Tout son visage était emprunt de colère, et elle serrer les poings. Il aurait vraiment fallu être le dernier des imbéciles pour ne pas voir qu'elle était en rogne.

Afin de rejoindre la sortie, elle devait passer à côté d'Elizabeth. Ce faisant, dans sa précipitation et sa brusquerie, elle bouscula violemment la jeune femme. Mais elle ne s'arrêta pas, et ne prit même pas la peine de s'excuser. Elle n'avait qu'une envie : quitter les lieux.

Elizabeth termina sa partie. Bien sûr, étant donné qu'elle avait réussi, elle pouvait y rejouer, mais elle n'en avait pas trop envie. Elle avait plutôt soif. Une bonne limonade peut-être. Alors qu'elle débarquait du jeu, elle se fit bousculer par la jeune femme de son école. Elle la regarda filer un instant avant de partir à sa poursuite. La jeune femme eut le temps de sortir de la salle d'arcade avant qu'Elizabeth ne lui attrape le bras pour la faire stopper et retourner. Pendant qu'elle lui courait presque après, elle l'interpelait:

"Hey ho...arrête! HEY!!! ARRÊTE TOI!!!"

Lorsqu'elle l'attrapa par le bras, elle le lui serra et lui jeta un regard furieux et dit:

"Non, mais c'est quoi ton problème? À ce que je sache, je ne t'ai rien fait!"

Lui dit-elle froidement. Non, mais, pour qui elle se prend?

Elizabeth la regardait et la dévisageait. Qu'est-ce qu'il lui avait pris bon sang? Elle lui avait simplement dit un «salut!» tout ce qu'il y a de plus simple. Même qu'elle avait été plutôt sympathique...pour une fois. Si elle voulait jouer la mauvaise foi, la jeune anglaise allait s'y mettre également. Si on lui parlait sur ce ton, elle parlait sur ce ton. Question de principe et de nature.

Elle ne lâcha pas le bras de la jeune femme. Elle voulait vraiment savoir ce qu'il lui avait pris de faire.

"Pourquoi t'as fait ça?! Pour qui tu te prends? Madame Univers? Madame on-me-laisse-passer, madame y'a-juste-moi-qui-existe-et-les-autres-sont-des-merdes? J'ai été plutôt «sympa» avec toi pour le moment, mais si tu veux que ce soit le contraire, t'aurais dû me le dire autrement. La parole n'existe pas pour rien, tu sais!"

Dit-elle froidement et sèchement. Elle n'était plus d'humeur à plaisanter. Elle était venue en ville pour se changer les idées et voilà que Miss la bousculait sans raison valable. Enfin, elle devait avoir une raison, mais certainement pas assez valable pour qu'Elizabeth redevienne calme.

*Y'a vraiment des gens qui se croient tout permis!*

Elizabeth fixait la jeune femme, attendant que des sons sortent de sa bouche.

Lily n'était plus qu'à quelques mètres de la sortie lorsqu'elle entendit des pas rapides qui s'élançaient à sa suite.

*Bien entendu...* songea-t-elle.

Elle accéléra le pas. Elle ne doutait pas un instant qu'il se fût agi d'Elizabeth, s'élançant à sa poursuite. Et elle avait bien raison. Alors qu'elle franchissait la sortie, elle se fit vivement agripée par le bras et se vit contrainte de se retourner pour faire face à Elizabeth qui se mit à lui hurler sa colère à la tronche. La rage de Lily ne fit qu'augmenter. Bon d'accord, elle l'avait bousculée, bon d'accord, elle ne s'était pas excusée, mais elle ne l'avait quand même pas fait exprès ! Et là tout paraissait comme si elle avait voulu tout simplement emmerder sa camarade, comme ça, pour le plaisir. Quel intérêt y aurait-il pu avoir, se demandait-elle, à foncer dans une des personnes les plus dangereuses du lycée ? La seule erreur qu'elle avait commise était de ne pas s'être excusée, elle devait bien l'avouer. Mais de là à l'accuser de se prendre pour la reine d'Angleterre...

Elle se dégagea d'un mouvement brutal de l'emprise d'Elizabeth et lui répondit, la fusillant du regard, mais ne pouvant empêcher sa voix de trembler légèrement de colère mais également de peur (car il s'agissait tout de même de Miss Terreur en personne, et elle pouvait lui pourrir la vie) :

"Du calme, okay ? J'l'ai pas fait exprès. Arrête de te croire au centre du monde, y'a pas que toi dans cette salle. En plus elle est bondée, alors se faire bousculer ici c'est inévitable."

Elle soupira :

"Pfff... T'es paranoïaque, sérieux... Arrête de croire constamment qu'on t'agresse, j'te veux rien moi."

Ça, c'était légèrement l'hôpital qui se foutait de la charité, car Lily avait elle-même tendance à se montrer assez paranoïaque depuis la trahison de ses parents. Mais ça, Elizabeth n'était pas censée le savoir.

"En revanche," reprit-elle, "si tu continues comme ça je risque vraiment de t'agresser pour de bon, parce que j'suis vraiment pas d'humeur là, alors soit tu me lâches, soit tu repars avec un bel oeil au beurre noir, pigé ?"

Au final, sa voix ne tremblait plus ni de peur ni de colère, Lily se sentait réellement prête à affronter Miss Terreur s'il le fallait, et tant pis si elle devait se prendre des coups, au moins, cela la déchargerait de sa rage. Elle était bien venue ici pour se défouler, non ? Alors, qu'il s'agisse d'un crêpage de chignon virtuel ou réel...

Elizabeth était loin de s'imaginer qu'une telle furie pouvait sortir de ce corps. Le proverbe «Ne jamais se fier aux apparences» venait de prendre toute sa signification. Elle resta tout de même surprise en reculant légèrement la tête sur le coup, comme un réflexe qu'elle ne put contrôler. La jeune femme se dégagea de son emprise par un mouvement assez brutal merci afin de ne plus avoir un contact physique avec Miss Terreur. Cette dernière plissa légèrement les sourcils et les yeux et regarda la personne qui se trouvait devant elle. Elle la regarda faire son petit manège.

Les premières paroles qui sortirent de la bouche de son interlocutrice furent tremblantes, hésitantes. Normal, elle prenait tête à Miss Terreur. Quelques rares personnes avaient le courage de le faire et s'ils réussissaient à la bouchée, ils s'en vantaient, mais disons que cela est plutôt rarissime. Elle posa ses mains sur ses hanches et attendit que la jeune femme finisse de parler. Bon, c'est vrai, il y avait du monde et ce n'était pas dans ces moments-là qu'on était exempt de bousculades. En effet, elles étaient plutôt fréquentes. Néanmoins, elle aurait pu s'excuser et même regarder en avant afin de savoir où elle allait. Son regard fusillant ne la menaçait en aucun point. Elizabeth lui en jeta un dans la même voix, mais avec un peu plus de furie et plus menaçant. Un regard qui lui était propre tout compte fait lorsqu'elle sortait de ses gonds.

De plus, son interlocutrice la menaça de l'agresser, mais Miss Terreur, contrairement à ce qu'on pouvait penser, n'était pas du genre à se battre. Pourquoi en venir à la violence, pense-t-elle. C'est tellement absurde de se battre. La parole est un moyen beaucoup plus noble. Finalement, attendant quelques secondes après les derniers mots de la jeune femme, Elizabeth prit enfin la parole d'un ton ferme et colérique, digne sa voix habituelle dans les événements qui la rendait furax .

"Woh! On se calme okay?! Je crois qu'on est assez grande pour régler ça sans venir aux coups de poing dans la figure."

Lança-t-elle.

"Et puis, pour en revenir à notre sujet, étant donné qu'il y a plus de monde qu'à ton arrivée, je crois qu'il aurait fallu que tu regardes droit devant toi au lieu d'admirer tes pieds..."

Elle se mordit la lèvre inférieure pour ne pas sortir un désastreux commentaire qui lui aurait permis de gagner un coup de poing en plein visage. Elle reprit en inspirant un bon coup.

"Et puis?! Il me semble qu'on s'excuse après avoir fait quelque chose du genre. Non? Alors, si tu veux qu'on aille pas plus loin, tu t'excuses et on n'en reparle pas okay?"

Elizabeth n'était pas d'humeur non plus à faire plus longtemps la méchante. Elle était en ville et voulait profiter de ce temps, non pas pour se disputer, mais pour prendre du bon temps hors du pensionnat. Dans son for intérieur, elle espérait bien fort que cela ne s'éternise pas plus longtemps sinon elle serait plus de mauvaise humeur et risquerait de jeter son venin sur quelqu'un d'autre pour une connerie du genre «Tu m'as regardé? Hen? Qu'est-ce que tu veux?». Bien sûr, elle ne reprendrait pas son calme d'avant toute cette histoire. Il faudrait qu'elle prenne une bonne douche bien chaude pour se remettre en place. Enfin, je ne crois pas que l'on trouve des douches chaudes à tous les coins de rue! Par ailleurs, elle ne voulait pas non plus retourner au Pensionnat. Elle pourrait faire des ravages auprès des élèves. Mauvaise idée. Y avait-il un centre pour se relaxer en ville? Une bonne journée dans un spa lui ferait du bien. Elle pourrait laisser des démons là-bas question d'être moins furax à son retour à l'école.

*Espérons qu'il y ait un spa dans cette ville!*

Bien que Lily fût dans le feu de l'action, elle craignait tout de même encore qu'Elizabeth ne lui fasse une saignante démonstration de sa réputation de Miss Terreur, aussi, elle fut rassurée lorsqu'elle constata que ce n'était pas si terrible que cela et que, mieux encore, elle ne semble en aucun cas disposée à se battre. Enhardie - très certainement à tort - par cela, Lily afficha un sourire narquois et mit les mains sur les hanches dans une attitude clairement insolente et lança d'un ton dédaigneux :

"M'excuser ? Et pour quoi faire ? J'ai rien fait d'mal ! Si j'l'avais fais exprès j'dis pas... Mais là. Pfff !"

Elle haussa les épaules et tourna le dos à la jeune femme.

"Allez, ciao."

Elle se mit en marche vers la sortie, d'un pas pressé, espérant qu'Elizabeth n'ait pas la bonne idée de la rattraper et de lui en coller une. Car elle avait bien conscience que malgré tout, la partie était certainement loin d'être terminée, bien qu'elle espérât encore pouvoir y échapper.

Lorsque la jeune femme se retourna et commença à s'avancer sur le trottoir, Elizabeth inspira un coup afin de se remettre. Si elle allait plus loin, elle risquerait de se faire un bel oeil au beurre noire. Hum...non! Il ne fallait surtout pas que cet incident face la une et que sa réputation de Miss Terreur soit terni. Oh que non! Il n'en était pas question. De quoi toucher son orgeuil. De tomber de très haut, un saut ô combien vertigineux. Elle serra les poings et regarda la jeune femme s'enfuir comme si de rien n'était. Enfin, elle s'élança tâchant de rester polie. Par conséquent, elle ne bougea pas d'un poil. Son interlocutrice était assez près pour l'entendre.

"Exprès ou pas, cela n'empêche pas de s'excuser pour sa faute qu'elle soit volontaire ou non. Il me semble qu'un élève de la classe A a au moins cette classe!"

Elle la jaugea un instant, puis se retourna elle-aussi sur ses talons et partit dans la direction opposée. Décidément, ces deux-là, n'allaient sans doute jamais s'entendre. Bon, il ne faut jamais dire «jamais», mais qui est si superstitieux de nos jours pour croire à ces sornettes. Certainement pas Elizabeth qui s'en foutait comme elle se foutait bien de quelle couleur était le cheval blanc de Napoléon (xD!).

Avançant d'un pas rapide et gigotant sa tête en faisant des mimettes sarcastiques et répétant et imitant les propos de la jeune femme, elle se parlait avant tout à voix basse.

"Non, mais! Où s'en va la société?! Même pas capable de s'excuser. «M'excuser ? Et pour quoi faire ? J'ai rien fait d'mal ! Si j'l'avais fais exprès j'dis pas... Mais là. Pfff !». «Allez, ciao.». C'est ça, ciao espèce de co***...Ah ce qu'elle m'énerve!"

Arrêtant à une intersection, elle regarda deux fois à gauche et une fois à droite avant de traverser afin de s'éloigner de la jeune femme qu'elle détestait au plus haut point à présent.

*Ça donne même pas la peine de m'estiner avec elle, elle est tellement tête dure! JE M'EXCUSE! Hey, c'est 4 syllabes ma vieille. Même pas 2 secondes de gaspiller de ta misérable vie. Putain!*

Lorsque le petit bonhomme apparut à la lumière, elle traversa sans peine et tourna le coin pour aller, on ne sait où.

Lily continuait de voguer sans incident vers le large... Comment ça ? Voilà qui était bien étonnant ! Miss Terreur herself abandonnait la partie ?! En tous cas, ses bruits de pas et ses marmonnages semblaient s'éloigner et non se rapprocher... Lily ne pouvait en croire ses oreilles. Elle ralentit sa marche, pour finalement s'arrêter tout à fait et se retourner.

"Oh..." souffla-t-elle.

Elizabeth avait en effet disparu. Lily ne put s'empêcher d'afficher un sourire de fierté. Elle s'était dressée face à Miss Terreur, en était sortie indemne et l'avait même mise en déroute. Quel exploit pour elle !

Voilà qui avait eut le don de lui remonter le moral. C'est d'une humeur plus légère qu'elle s'engagea dans la rue et emprunta un passage piéton afin de se rendre sur le trottoir opposé. Après cela, elle méritait bien de s'offrir un petit quelque chose. Elle se faisait souvent des cadeau "de moi à moi", lorsqu'elle avait besoin de se remonter le moral ou de se récompenser, comme en l'occurrence... Pourquoi faisait-elle cela ? Cela pouvait paraître très nombriliste comme action... Hé bien, tout simplement parce qu'il n'y avait personne pour le faire. Et lorsque l'on est en manque d'attention, ne cherche-t-on pas à y remédier par soi-même ?

Lily n'aimait pas jouer les victimes, mais elle devait bien le reconnaître : ici, elle était seule au monde. Loin de son frère bien aimé, trahie et abandonnée par ses parents, elle n'avait plus aucune racine, et n'avait pas même encore réussi à se faire des amis...

Elle ruminait ces pensées, ce qui avait pour effet de lui baisser à nouveau son moral, lorsqu'elle avisa la boutique qu'elle cherchait : un minuscule magasin entièrement dédié aux vieux vinyls. Lily esquissa un sourire, se réjouissant à l'avance des acquisitions qu'elle s'apprêtait à faire. Elle adorait les vinyls car, à la différence des CDs, ils produisaient une sorte d'ambiance, même avant d'émettre la moindre musique. Les petits grésillements qu'ils produisaient, sans musique, auraient presque suffit comme fond sonore pour Lily.

A nouveau, cette pensée changea son humeur. On pouvait dire que la demoiselle était très lunatique. Enthousiaste, elle accéléra le pas en direction du magasin lorsque...

BAM ! Elle fonça dans quelqu'un qui allait dans le sens opposé. Lily manqua de perdre l'équilibre mais réussit à se rattraper à un lampadaire. Cette fois-ci, dans de meilleures dispositions, elle dit, tout en époussetant ses vêtements :

"Oh ! Excusez-moi !"

Puis elle releva les yeux... et découvrit avec une grande surprise qu'une fois de plus, il s'agissait d'Elizabeth.

"Oh c'est pas vrai..." marmonna-t-elle.

"Ah tiens! C'est joli ça! Euh...je le prend!"

Arrivée à la caisse, Elizabeth paya le montant dû et sortit de la boutique avec un peu plus de bonne humeur. En effet, durant son trajet, elle avait aperçu un chandail qui lui concordait dans la vitrine. Elle s'était aussitôt empressée à entrer dans le magasin afin de se le procurer. Elle se sentit mieux avec cet achat. La petit embuscade avec la jeune femme l'avait énervée, même frustrée. Comme c'est typique chez les filles, le fait de dépenser nous rend heureuse. Le fait d'avoir du nouveau dans sa garde-robe était plutôt une activité plaisante.

Miss Terreur s'engagea sur le trottoir et marcha la tête haute. Cependant, n'allez pas croire qu'elle avait oublié son ancienne interlocutrice qu'elle trouvait pas mal impolie. Non, mais. Ne pas s'excuser! Même Elizabeth le faisait si elle bousculait involontairement quelqu'un. Ce n'est pas sorcier après tout. Trois mots: Je suis désolé(e). Enfin. Ce n'était pas tout le monde qui prenait cette peine.

Notre anglaise de Londres regardait de l'autre côté de la rue de temps en temps, car on y trouvait des boutiques pas mal «in». Par conséquent, bien qu'ayant l'envie mortel d'y entrer, elle ne cèda pas à la tentation et resta de son côté. Grave erreur! Pourquoi n'a-t-elle pas suivi son envie plutôt que sa paresse? C'est au même moment où Elizabeth regardait de l'autre côté qu'on la percuta de nouveau. Étant loin de s'imaginer de l'identité de la personne qui l'avait heurté, elle dit:

"Oh, je suis désolée! Je..."

Pouf! C'est alors qu'elle reconnut Miss-je-ne-m'excuse-pas.

*Ah non! Pas elle encore! C'est pas vrai! C'est pas ma journée en tout cas...*

"Tiens, tiens...si c'est pas Miss-je-ne-m'excuse-pas? Oh, mais je vois que tu viens de t'excuser. Tu fais des progrès! Bravo! Et moi qui croyait qu'il n'y avait plus d'espace là-dedans pour une telle information..."

Lui lança-t-elle directement, sans gêne, sans hésitation. Un ton ferme, mais tout de même moqueur s'était imposé dans sa voix. Elle frappa dans ses mains lorsqu'elle intonna le mot «Bravo!» puis s'arrêta immédiatement après.